Et si l’on repensait les pratiques agricoles pour améliorer la résilience des systèmes alimentaires ? C’est le défi que relèvent en ce moment l’ensemble des acteurs de la filière
du fromage époisses.
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Avec sa croûte orangée, son nez généreux et ses saveurs subtiles, l’époisses AOP est l’un des principaux emblèmes gastronomiques de la Bourgogne. Quarante-trois exploitants sont aujourd’hui habilités à produire le lait destiné à la fabrication de ce fromage de caractère, selon un cahier des charges drastique, qui prévoit notamment que 85 % de l’alimentation des vaches provienne de la zone d’appellation d’origine. Leur ration doit être composée pour moitié d’herbe du début de la saison de pâturage jusqu’au 15 juin. « Mais ce cadre indispensable devient de plus en plus difficile à respecter en raison du changement climatique », explique Alexandra Jacquot, chargée de mission au Syndicat de défense de l’époisses.
Début juin, la production des prairies devient insuffisante (souvent en raison du manque de pluie) et les éleveurs sont souvent obligés de supplémenter la ration, avec des surcoûts et/ou des non-conformités à la clé, qui obligent à demander parfois des dérogations (3 en 8 ans) à l’Institut national de l’origine et de la qualité (INAO). « L’an dernier, celui-ci nous a annoncé que nous ne pourrions bientôt plus solliciter de dérogation. Il nous faut donc amender notre cahier des charges pour faire évoluer nos pratiques sans perdre pour autant le lien au terroir qui fait la spécificité de l’époisses. » Déjà mobilisés depuis une dizaine d’années pour la maîtrise des impacts environnementaux et la protection de la biodiversité, les acteurs de la filière époisses ont décidé de transformer cette contrainte technique en opportunité en conjuguant adaptation au changement climatique et production laitière durable.
Nombreuses interrogations pour la filière
Dans cette perspective, un groupement d’intérêt économique et environnemental (GIEE) regroupant 35 éleveurs a été constitué. « Il s’appuie notamment sur le programme Climalait, qui permet de mieux évaluer les besoins futurs des exploitations face à la hausse inexorable des températures, poursuit Alexandra Jacquot. Nos travaux nous amènent par exemple à réfléchir à la durée moyenne du pâturage, aux potentiels ouverts par les possibilités de récoltes automnales. De leur côté, les membres du GIEE réalisent des expérimentations pour explorer de nouvelles typologies d’implantations ou de nouvelles compositions de méteil [mélange de céréales]. » Au-delà de la seule question de l’alimentation des troupeaux, ces réflexions débouchent sur d’autres interrogations, en particulier concernant le bien-être animal. En ligne de mire, notamment, un dilemme qui concerne toute la filière : comment faire faire du lait aux vaches pendant les grandes chaleurs sachant que ce sont des animaux très sensibles au stress thermique ? Quant aux veaux, ne pourrait-on pas repenser leurs conditions de logement pendant leurs premières semaines de vie pour répondre à leurs besoins de liens sociaux ? « Aucun de ces sujets n’est “facile” et ils ne sont que quelques exemples parmi les très nombreuses questions qui nous attendent, indique Alexandra Jacquot. Des premiers débats à la validation par l’INAO la refonte d’un cahier des charges tel que le nôtre est un processus long qui pourrait durer cinq années au total. Mais c’est à ce prix que nous pourrons construire un avenir soutenable et désirable pour l’époisses. »